Gilles de la Bourdonnaye

A quel âge avez-vous commencé à jouer au tennis de table ?

Comme tous les enfants, j’ai pratiqué beaucoup de sports : jusqu’à 8-10 ans j’ai joué au tennis, j’ai fait un peu de hand, puis je me suis mis au tennis de table.
Et donc ça fait 22 ans que je joue.

Quelle différence faites-vous entre le tennis de table valide et handisport ?

En tennis de table, tous les sportifs handicapés jouent dans des clubs valides. Parce qu’il y a plus de pratiquants, il y a un meilleur niveau et donc, c’est plus facile pour progresser.
Moi je joue au TTC à Nantes, en valide. Je suis remplaçant dans l’équipe de super division qui fait partie des 8 meilleures équipes de France et je m’entraîne quotidiennement avec des joueurs valides qui sont dans les 20-30 meilleurs joueurs français.
Sur le plan de l’entraînement, de la préparation ou de l’approche compétition, il n’y a pas de différence entre valide et handisport. Au niveau physique, il y a quand même une petite différence. En ce qui me concerne, mon handicap, même léger me gêne surtout au niveau de l’équilibre.

Dans votre jeu, quels sont vos points forts et vos points faibles ?

Physiquement, comme je suis grand, je traîne un peu. Et puis il y a aussi la constance : j’ai tendance à marcher en dents -de scie pendant les matchs.
Mes points forts ? Je dirais que c’est un bon état d’esprit : quand je joue, je suis assez conquérant. Et puis, j’ai un bon coup droit et un bon revers.

Vous êtes plutôt attaquant ou défenseur ?

Moi je suis attaquant mais je joue à peu près à 1,50m de la table, je serais plutôt du style "fond de court au tennis" !

En tennis de table handisport, qui sont vos principaux adversaires ? C’est vous qui dominez un peu la compétition ?

Dans ma catégorie, on est 5 ou 6 à prétendre au titre à chaque compétition. En fait je domine mais à chaque fois, si je passe, j’ai une balle de match contre moi ou autre… Donc on ne peut pas dire que je domine allègrement la compétition !
C’est vraiment de plus en plus dur : plus je gagne, plus c’est dur.

Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?

En tennis de table, on va dire que jusqu’à 35-36 ans on est encore bons.
Donc moi, j’ai Athènes en ligne de mire dans 2 ans, et puis Pékin après.

En France, le tennis de table est un sport qui se développe ?

Le tennis de table handisport évolue, chaque année on gagne en nombre de licenciés. C’est vrai que c’est un sport que l’on pratique facilement entre amis, au même niveau.
On est tous intégrés avec des joueurs valides, dans des clubs valides, on joue en championnats valides etc … et je crois que ça, c’est un côté vraiment positif du tennis de table. L’autre côté positif c’est qu’avec n’importe quel handicap, même lourd, on peut arriver à jouer au tennis de table.

Ca c’est le côté handisport, mais il y a aussi le côté valide.
Il y a eu un effet "Gatien" à l’époque de Sydney et Barcelone et puis quand il a gagné les championnats du monde en 1993 : c’était comme la coupe du monde de foot 1998, à la rentrée suivante, on gagne en nombre de licenciés.
Et puis le tennis de table manque de notoriété, comme beaucoup de sports d’ailleurs. Du coup, ça n’incite pas les sponsors et donc ça rend les choses difficiles pour le haut niveau, et puis ça ne créé pas trop de vocations parce qu’on n’en voit pas beaucoup à la télé. Mais ça se développe doucement. La fédération voulait atteindre les 300 000 licenciés cette année mais je crois qu’on doit atteindre les 280 000.

Quand on est joueur professionnel de tennis de table, on arrive à en vivre ?

C’est pas facile. Certains en vivent très bien, mais ils sont peu nombreux, peut-être les 10 meilleurs joueurs qui jouent en France, dont 5 ou 6 étrangers. Quand je dis très bien, c’est peut-être 7 000 euros par mois. A mon niveau, en valide, on ne gagne vraiment pas beaucoup d’argent… et quand on en gagne !

Vous devez travaillez à côté dans ce cas ?

Je travaille. J’ai un statut spécial de sportif de haut niveau chez EDF. J’ai un mi-temps, ce qui me permet de m’entraîner et de partir en compétition.
Pour tous ceux qui font un sport professionnel… c’est le rêve ! C’est génial car vous n’avez plus de soucis professionnels, vous avez le temps et la tête libérée pour pratiquer votre sport.

Vous avez une formation supérieure, vous faîtes plein de choses, vous parlez tchèque… Racontez-nous un peu…

Ma copine est tchèque et c’est pour ça que je le parle un peu. Sinon c’est vrai que j’ai fait un DESS franco-chinois et je suis parti en Chine pendant à peu près un an. C’est la seule année de ma vie où j’ai mis ma carrière sportive de côté : j’ai continué à m’entraîner mais de manière un peu "light", 2 ou 3 fois par semaine, pas plus.

Comment vous envisagez votre "après carrière sportive" : continuer de jouer au tennis de table ? Encadrer des jeunes ?

Pour l’instant, c’est plutôt EDF. Je partirais bien à l’international au sein d’EDF.

Vous travaillez déjà avec des jeunes ?

Je suis co-gérant de mon club handisport. Dans le club, on intègre quelques jeunes motivés par le haut niveau.
Le truc que j’aimerais bien faire c’est d’arriver à suivre des jeunes d’une dizaine d’années, motivés, et d’arriver à les intégrer dans des structures du genre Espoirs…

Quels conseils vous donneriez à un jeune qui veut réussir dans le tennis de table ?

Ne pas compter ses heures, mais s’éclater tout le temps !
Quand je vais à l’entraînement, même si c’est 2 fois par jour, je suis content d’y aller, je m’éclate. Si tu n’es pas content d’y aller, tu ne seras pas bon.
Après, à partir d’un certain âge, il faut prendre conscience de ses capacités et se donner toutes les chances si on pense avoir du potentiel.

Et pour un jeune handicapé ?

Je crois que quand on est handicapé, il faut absolument faire du sport. D’abord, parce que c’est hyper important pour accepter son handicap.
Ensuite, il y a la relation à l’autre qui est totalement différente de celle de la vie de tous les jours.

Vous avez également un grand projet… une coupe du Monde à Nantes ?

J’organise des compétitions avec mon club et on va organiser la coupe du monde individuel à Nantes du 29 au 31 mai prochain. Il y aura les 16 meilleurs joueurs et les 12 meilleures joueuses debout. Il n’y aura pas de fauteuil parce que c’est un peu plus compliqué à gérer et donc, pour la 1ère édition, on fait que les debout. Après on verra si ça marche bien.
Ca fait longtemps que ça me trotte dans la tête et ce dont j’ai vraiment envie c’est qu’il y ait du monde à venir voir : si je ne gagne ou pas, c’est pas grave, mais s’il y a 1000 personnes dans la salle, là j’aurai gagné mon pari.